« J’ai pris conscience que le sucre est nocif »

Bien sûr, Yvonne Waheo a entendu parler du diabète depuis bien longtemps, « d’ailleurs des membres de ma famille en sont morts. » Cette mère de famille de 44 ans connaît d’autant mieux cette pathologie qu’elle est aide-soignante. Elle a même fait un diabète gestationnel, il y a sept ans, lorsqu’elle attendait sa dernière fille.
« J’ai pris 35kg lors de ma grossesse et je ne les ai jamais perdus », préciset- elle. Mais en dépit de tout cela, sodas, barres chocolatées et gâteaux faisaient partie du quotidien de cette femme active. « Quand on n’a pas le temps de manger, c’est pratique. Un coup de sucre et ça repart. » De même pour l’activité physique, Yvonne était persuadée d’être dans les clous : « J’avais l’impression de me dépenser beaucoup, ne serait-ce que lorsque je manipulais mes patients. » C’est justement son attachement pour l’un d’entre eux qui a conduit au diagnostic de son diabète.
Il y a quelques semaines, un patient hémiplégique, dont elle s’occupait depuis deux ans, décède lors d’un séjour à l’étranger. Le choc est très important pour Yvonne. « Quinze jours après son décès, voyant que je ne reprenais pas le dessus, je suis partie me reposer en Brousse. À mon retour, je me suis effondrée. J’ai dormi pendant plus d’une journée. Je buvais aussi tout le temps sans pouvoir apaiser ma soif. » Yvonne consulte son médecin et une prise de sang vient confirmer ce dont elle se doutait. «Prédisposition familiale, surpoids et stress : tous les facteurs étaient réunis pour que j’aie le diabète, » réalise-t-elle avec le recul. C’est l’électrochoc : « Dès que le médecin me l’a dit, j’ai tout changé. J’ai carrément arrêté les biscuits, les boissons gazeuses et le sucre sous toutes ses formes. » De fait, Yvonne passe en l’espace d’une dizaine de jours de 105 à 93 kg. « Mais j’ai voulu aller trop vite. Du coup, je me sentais vraiment mal, très faible. Je me suis mise en quête d’informations sur internet pour savoir comment m’y prendre et c’est comme cela que j’ai découvert le centre d’éducation thérapeutique de l’Agence sanitaire et sociale (ASS-NC).»Voici quelques jours qu’elle suit assidûment ses ateliers rue Gallieni, à Nouméa : diététique, activité physique, gestion du stress.
« Quand on parle de diabète, les gens disent il ne faut pas manger ça ou ça. Ici, on nous montre qu’il n’y a pas d’interdit. On peut consommer de tout, mais en petite quantité. J’ai pris conscience que le sucre était nocif pour le corps. » Des connaissances qu’elle partage avec son époux : « J’ai la chance d’avoir un mari qui cuisine. Je lui montre donc les trucs et les astuces que j’apprends pour remplacer les plats en sauce, par exemple. » Et de fait, leur fille de 7 ans suit le mouvement : « Comme elle a vécu les moments où je n’allais pas bien du tout, elle comprend parfaitement l’importance de tous ces changements. C’est donc devenu une affaire de famille ! »
Question d’organisation
Quant à l’activité physique : « On se dit toujours qu’on n’a pas le temps, mais tout est question d’organisation. » Alors, dès qu’elle le peut, Yvonne va marcher : «Mais attention, pas la petite promenade tranquille. J’avance d’un bon pas pour faire suffisamment d’efforts. » Elle a aussi gommé d’autres habitudes : « Il ne doit même pas y avoir cinq minutes de trajet entre la maison et l’école, mais j’y allais quand même en voiture. Désormais, je vais chercher ma fille à pied l’après-midi. » Et de ce qui pourrait être une contrainte, mère et fille ont fait un agréable rendez-vous, une petite parenthèse au cours de laquelle elles se racontent leur journée. « On pourrait presque dire que cette maladie a été bénéfique pour toute la famille », sourit malicieusement Yvonne.
Entretien avec Dominique Mégraoua, médecin responsable du centre d’éducation de l’ASS-NC
« Le diabète de type 2 n’est pas une fatalité »
Combien la Calédonie compte-t-elle de diabétiques ?
Nous étions à 13 500 en 2016. Nous attendons les chiffres précis de la Cafat pour 2017, mais nous atteindrons probablement les 14 000 patients. Mais comme l’on sait qu’il y a à peu près un tiers des diabétiques qui s’ignorent, on est en réalité plus près des 20 000 malades.
Pourquoi le diabète progresse-t-il toujours autant ?
Il continue à augmenter parce que l’obésité continue à progresser. En Calédonie, dans 90% des cas, on est face à un diabète de type 2. Pour le contracter, il faut conjuguer deux conditions : présenter une fragilité familiale et avoir des kilos en trop. Tant que le surpoids et l’obésité continueront à augmenter, le diabète fera de même. Aujourd’hui, on atteint des chiffres records avec 68% de la population adulte qui a des problèmes de surcharge pondérale, dont 38% d’obésité. En France, il y a moitié moins d’obésité que de surpoids.
Y a-t-il des particularités calédoniennes ?
Comme en Calédonie, l’obésité commence plus tôt, les gens sont atteints plus tôt par le diabète. Bien sûr le risque augmente avec l’âge, plus on vieillit, plus le pancréas, l’organe qui gère le sucre, est à la peine, plus le diabète de type 2 se développe du fait des kilos accumulés. Ce diabète qui commence en général à 45 ans en Métropole, apparaît vers 40 ans ici, voire plus jeune. On a déjà 42% d’obésité chez les enfants de 12 ans en Calédonie. Ces cas de diabète vont nous arriver en pleine face très rapidement.
Y a-t-il une prise de conscience au sein de la population ?
Oui, elle est bien là. Mais comme on ne peut pas jouer sur la fragilité familiale, il faut aller contre la prise de kilos. Les gens savent ce qu’ils devraient faire pour ne pas prendre de poids. Pour autant ils ont du mal à le faire en pratique. C’est toute la différence entre savoir et se prendre en charge. Y a-t-il d’autres paramètres qui entrent en jeu ? Le stress aussi fait stocker et prendre des kilos, entraîne des troubles alimentaires et pousse à la sédentarité. Quand on ne va pas bien, on n’a pas envie de se bouger. Tout passe finalement par le mental. Le fait que ce soit une maladie silencieuse rend aussi plus difficile le fait de se prendre en charge quand on a le sentiment que l’on va bien.
De quels leviers dispose-t-on contre cette pathologie ?
On sait qu’en modifiant un tout petit peu son mode de vie on va grandement améliorer sa santé et ce que l’on va faire en termes de prévention du diabète marche sur toutes les pathologies de surcharge. Le diabète de type 2 n’est pas une fatalité. En mangeant mieux, en bougeant plus et en apprenant à gérer son stress, c’est une maladie évitable. En gardant la ligne, et même si nos parents le sont, on ne sera jamais diabétique.
Repères
Hypo et hyperglycémies
À court terme, cela peut entraîner des complications avec des taux de sucre dans le sang (glycémie) qui montent très haut et provoquent des comas ou qui, à l’inverse, tombent tellement bas qu’ils ont les mêmes conséquences. Ces deux extrémités peuvent aller jusqu’au décès.
Les complications chroniques
L’hyperglycémie chronique va déchirer les petites artères et boucher les grosses, ce qui va atteindre tous les organes nobles de l’organisme. Cela peut donc engendrer une atteinte du cerveau si l’artère carotide se bouche, provoquant un accident vasculaire cérébral (AVC). Au niveau des yeux, en déchirant les petites artères de la rétine, le diabète va entraîner progressivement la cécité. Les grosses artères du coeur peuvent se boucher et entraîner des crises cardiaques. Quand les petites artères des reins sont déchirées, ces derniers ne vont plus remplir leur rôle de filtre du sang et d’élimination des déchets. Au niveau génital : chez la femme, sécheresse vaginale, douleurs pendant les rapports, baisse de la libido et chez l’homme, la grosse artère pénienne va se boucher, occasionnant pannes sexuelles et empêchant d’avoir des érections satisfaisantes. L’artère fémorale au niveau des jambes peut s’obstruer, entraîner une gangrène et donc une amputation. Quand ce sont les petites artères qui souffrent, cela conduit à une neuropathie, la perte de sensibilité plantaire, augmentant le risque de mal perforant plantaire et donc là aussi d’amputation.
Les infections
Les diabétiques vont être plus sensibles à toutes les infections de la peau et des muqueuses, mais aussi au niveau interne avec des pneumonies, des infections urinaires, mais aussi des dents et des gencives.